Voici la réflexion d’une élève de
4ème dans un collège REP de Grenoble lors de la minute de silence
demandée par respect aux victimes de la tuerie dans les locaux de Charlie
Hebdo.
Le matin du 8 janvier, la
ministre a envoyé un courrier rappelant le rôle de l’école dans la transmission
des valeurs de la République.
Les professeurs, avaient pour mission d'expliquer
aux élèves les faits, les faire
réfléchir, de aider à comprendre.
D’après les propos de cette professeur, cet événement a créé une fracture dans une classe habituellement
soudée. La classe a éclaté en deux clans et voir resurgir des
communautaristes lui a fait peur !
« L'école doit transmettre
nos valeurs, mais on est parfois un peu trahis par les parents. On apprend les
principes républicains aux enfants, mais une fois à la maison ils en font bien
ce qu'ils veulent. Ils n'ont plus confiance en nous, professeurs. Ils ne nous
prennent pas pour des alliés, mais pour des ennemis. En tant que prof, tu te
demandes ce qu'ils peuvent penser de toi, de nous enseignants, nous qui avons
la foi de leur apprendre. Nous avons devant nous des jeunes citoyens qui ont
des idées telles qu'on est obligé de se demander : "Où allons-nous ?" »
(propos de la professeur recueillis par
la journaliste du Point)
Outre les 12 personnes tuées dans
les locaux de Charlie Hebdo, une jeune policière martiniquaise a perdu la vie
et au moment où j’écris des personnes sont retenues en otage et il est
difficile d’imaginer l’issue de ces opérations meurtrières…
A travers les paroles de cette
professeur, il est aisé d’imaginer les propos tenus à la maison et, c’est ça
qui est grave !
Personnellement, j’ai commencé à travailler
dans l’Education Nationale après 1968 et j’ai vu, d’année en année, la
situation se dégrader.
Voici un extrait de « Au risque de me perdre » :
J'ai connu beaucoup d'enfants,
tellement différents les uns des autres, tellement attachants mais, j'ai vu
progressivement le système scolaire se dégrader.
Les élèves ont changé, les
divorces se sont multipliés, les enfants se trouvent partagés entre parents.
Ils sont écartelés. Ils n'ont plus de repères et, c'est à coups de cadeaux que
chaque parent essaie d'obtenir ses bonnes grâces. L'enfant devient roi à la
maison et à l'école ! Plus le droit de le toucher même du petit doigt.
« L'enfant roi » de la circulaire
Royal, celui qui ne ment jamais. Quel gâchis de penser cela ! Et, en disant
cela, je ne peux que penser au cas de Bernard Hanse et de bien d'autres
enseignants qui sont morts accusés injustement.
Quand j'écoute la vidéo qui
retrace la lettre que Bernard a laissée à sa femme, je ne peux m'empêcher de
réagir avec émotion et colère ! Même réhabilité en mars 2003 par Xavier Darcos
alors ministre délégué aux affaires sociales, comment empêcher le doute de
certains ? « L'affaire n'est pas finie, l'enfant s'est peut être rétracté sous
la pression des adultes, sous le poids d'un suicide, les reproches qui lui
avaient été faits d'avoir parlé. » Comment oublier ces mots de Mme Royal ?
Jamais elle n'exprimera aucun doute ni regret quant au bien fondé de son
initiative, prise au nom de la parole de l'enfant. Elle affirmait lors de la
parution de sa circulaire que « les enfants ne mentent jamais ».
Une élève que je grondais et que
j'ai prise par l'épaule afin qu'elle me regarde me décroche un :
« Vous n'avez pas le droit de me
toucher… , je le dirai à mes parents »
Finalement, le soir, la nuit,
vous angoissez. Que va t’elle raconter aux parents ? Plus question de gronder…
ça les perturbe. Les prendre par l'épaule… c'est très mal interprété ! et, si
de surcroît, cet enfant n'a pas la même couleur de peau… vous êtes raciste !
Une élève que je réprimandais me traite de : « raciste ! ». L'amusant est
qu'une petite magrébine avec laquelle je n'ai aucun problème et qui assiste à
la scène rigole et lui dit : « bizarre, avec moi, elle ne l'est pas »
Deux élèves se bagarrent dans le
couloir. Je les gronde et les punis tous les deux. Le lendemain, la mère vient
me trouver, et désapprouve la punition. Ce n'est pas son fils qui a commencé.
Je ne suis pas là pour mener une enquête et, je ne change pas d'avis ! La maman
part déçue et, moi, je le suis aussi devant l'attitude d'une collègue, une
institutrice !
La semaine suivante, j'entends un
grand bruit dans le vestiaire des garçons. Je me précipite et trouve le même
élève sautant de banc en banc ! Je mets un mot dans le carnet :
« Votre fils saute de banc en
banc au risque de se faire mal et de détériorer le matériel. »
Je n'ai plus jamais entendu
parler de cette maman ! Par la suite, j'ai eu un autre de ses fils et, nos
rapports ont été bons.
Deux enfants en viennent aux
mains pendant mon cours. Je les gronde et les envoie à la vie scolaire. Ils
auront la même punition. Le père vient le lendemain, et, va contester la
punition auprès des conseillers d'éducation. Il m'appelle à la maison et
m'explique que ce n'est pas son fils le responsable. Je refuse de reconsidérer
la punition donnée. Ils étaient deux à se battre, ils seront deux à être punis
! Je suis appelée chez le principal qui veut me faire changer d'avis mais, je
reste imperturbable ! Pas question de mettre deux sanctions différentes. Les
conseillères d'éducation sont de mon avis.
Nous
avons parfois des élèves un peu « fainéantes » et que l'effort
dérange. Elle n'était pas du tout comme ça. Je lui demande alors d'en parler
chez elle. La semaine suivante, même problème. A-t-elle prévenu sa famille ?
« Oui » me dit-elle mais, ils ne l'ont pas vraiment prise au sérieux.
Je lui propose de mettre un mot sur le carnet pour sensibiliser ses parents à
ce problème. J'apprends la semaine suivante qu'ils ont demandé de quoi je me
mêlais !
Quelque
temps après, elle me confie que, finalement, elle a vu un spécialiste et,
celui-ci s'est aperçu du développement insuffisant d'un lobe pulmonaire. Si je
n'avais pas prêté attention à ses difficultés, personne ne l'aurait jamais su,
jamais traité et, peut être un jour aurait-elle eu des ennuis."
Quand je vois la situation
aujourd’hui, je ne suis même pas étonnée. Ecoeurée, oui, mais pas étonnée !
Peut-être faudrait-il qu’un
Ministre de l’Education Nationale ait enfin conscience qu’il faut cesser ce
laxisme et imposer des règles !
Mais, maintenant, on supprime
même les notes pour ne pas les perturber, comme si la vie allait être « un
long fleuve tranquille » . L'école devrait préparer à la vie et non donner l'illusion d'un demain idyllique !
Le respect n'est plus qu'un mot dont certains ignorent même le sens !
Tout ce à quoi j’assiste aujourd’hui
me fait vraiment craindre pour demain !
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